Passages d'un état à un autre par le tai chi chuan

Passages d'un état à un autre par le tai chi chuan

Passages

En situation de crise importante, le corps accède à des ressources cachées, insoupçonnées, extraordinaires. D’autres instances en nous prennent alors les commandes. Le tai chi chuan, art martial interne, s’est beaucoup intéressé à ces passages d’un état à un autre. Certaines notions fondamentales de l’anthropologie éclairent d’ailleurs remarquablement ces processus : rites de passage, états de transes.

L’art des extrêmes

Le tai chi chuan ne propose pas une santé au rabais.  L’équilibre qu’il instaure n’est pas un immobilisme réconfortant. Le terme même de « tai chi » contient les idées de « limite » et d’ « extrême ». C’est en luttant que l’on déploie ses potentialités. C’est en se rapprochant de ses limites et en côtoyant la démesure que l’on acquiert la grande santé. En épuisant toutes les résistances et tous les possibles, les portes intérieures s’ouvrent et les gardiens du seuil nous laissent pénétrer dans notre temple intérieur. Ce mode de fonctionnement exceptionnel, le pratiquant de tai chi chuan apprend à l’utiliser en situation ordinaire afin de mobiliser au mieux ses ressources gestuelles, perceptives et attentionnelles en toutes circonstances.

Genesis

Le tai chi chuan, tel que nous le pratiquons, commence par la mimésis et la prise de conscience de son importance dans nos vies. Pour pouvoir en neutraliser les effets pervers et retrouver son propre pouvoir d’agir, le nei gong/travail intérieur apprend à émuler le mouvement à partir d’une disposition intérieure. Nous sommes à ce moment-là, dans l’ordre de la genesis. Dans la foulée, nous explorons, à partir du geste, les étonnantes facultés d’assimilation et de projection du corps humain. Nous expérimentons ainsi nos aptitudes à assimiler et à projeter sur les plans physique, perceptif et mental. À certains moments, nous enveloppons le partenaire avec notre coeur, à d’autres nous le mettons dans notre ventre.

Pharmakon

Tout ceci, au lieu de nous éloigner du bien vivre, nous plonge au coeur de l’art de vivre. Tel le pharmakon, à la fois poison et remède, nos gestes de combat sont des gestes de guérison. Un contrôle articulaire bien exécuté comporte une possibilité de froisser muscles et tendons mais recèle aussi une capacité d’ouverture du corps inédite. Cette capacité de régulation/d’auto-régulation du corps va bien au-delà. Tous ces micro mouvements ressentis, perçus et conscientisés au sein des multiples strates et dimensions de notre corps, du corps social et du corps cosmique ainsi que notre capacité de nous y accorder nous font (re)devenir petit à petit l’acteur principal de notre santé.

Édito revu Espace Taiji n° 91 (2ème partie)

Crédit photo : Almereca