Jingwu L'école qui transforma le kung-fu

Jingwu L’école qui transforma le kung-fu (Blue Snake Books) raconte l’histoire la première académie publique d’arts martiaux en Chine. Cette école transforma, au début du 20e siècle, les arts martiaux en sport et en pratique récréative. Elle contribua ainsi à leur survie lors de la transition de la Chine vers la modernité. Brian Kennedy et Elisabeth Guo ont réalisé un travail extraordinaire afin de nous plonger au coeur de cette période capitale, trop souvent méconnue, de l’histoire des arts martiaux chinois.

Introduction

L’association Jinwu fut créée en 1909 à Shanghai. Le nom « jingwu » signifie littéralement « l’essence des arts martiaux ». Elle eut une grande influence dans la préservation et le développement des arts martiaux chinois jusqu’en 1924. Cette académie ouverte à tous, y compris aux femmes, fut donc la première à enseigner les arts martiaux traditionnels dans une orientation sportive ou récréative. Elle fut également la première à utiliser le support des livres, magazines et films pour leur promotion. Son histoire est néanmoins un mélange de mythes et de faits réels.

Jingwu : une transformation radicale

Les arts martiaux chinois contemporains résultent de quatre phases historiques qui se sont déroulées ces derniers siècles. Jusqu’en 1900, les arts martiaux étaient pratiqués dans des milices villageoises. Leur pratique n’était, en fait, ni un passe-temps, ni une entreprise commerciale. Au début du 20e siècle, la jingwu effectua une transformation radicale. Ces arts pratiqués au sein de clans devinrent une sorte de divertissement culturel accessible à tous. L’idée d’une instruction publique des arts martiaux fut reprise et étendue par le gouvernement nationaliste. Le projet Guoshu (art national) était de créer un programme standardisé au niveau du pays entier. Après la révolution culturelle, la République populaire de Chine continua la « modernisation » avec une nouvelle dénomination : « wushu » (arts martiaux). Le programme national de wushu fit ainsi évoluer les routines vers une pratique plus gymnique et plus compétitive.

Vision au sein du chaos

Entre 1911 et 1927, la Chine vivait une période de chaos. La jingwu s’est développée dans ce contexte. Elle s’inscrit clairement dans ce nouveau courant philosophique et intellectuel qui a contribué à la chute de la dynastie Qing. Ce nouveau mouvement culturel est conduit par des étudiants universitaires et des intellectuels qui ont étudié à l’étranger. Ce mouvement rejette l’héritage ancien et ses superstitions.

L’association Jingwu se développe grâce aux cotisations des membres. Elle bénéficie également d’apports de donateurs. Brian Kennedy et Elisabeth Guo signalent donc, à juste titre, que la commercialisation des arts martiaux chinois n’est pas le fait des Occidentaux. C’est bien cette association de Shanghai qui transforma les arts martiaux chinois en produit et démarra sa commercialisation.

Une approche moderne

La jingwu fut très active dans la publication de supports d’enseignement des arts martiaux. Les pratiquants contemporains seront surpris d’apprendre que cette organisation « traditionnelle » prônait l’apprentissage des arts martiaux via les livres et les posters. L’idée que l’on pouvait apprendre fructueusement à partir d’un livre était couramment admise dans ce milieu. L’association shanghaienne possédait d’ailleurs une riche bibliothèque. Les ouvrages chinois côtoyait ainsi les nombreux livres d’arts martiaux occidentaux. Des livres en provenance principalement d’Angleterre et des Etats-Unis décrivaient des approches modernes et scientifiques des arts de combat.

Brian Kennedy et Elisabeth Guo mentionnent une déformation qui mérite d’être relevée. Les auteurs chinois, dans le livre anniversaire de l’académie, soulignent que toutes les caractéristiques techniques mentionnées dans les livres américains proviennent en fait des arts martiaux chinois. Ils exhortent, en outre, à développer leurs arts afin que leurs enfants n’aient pas à les apprendre par l’intermédiaire de livres américains. Quant à la manière dont les auteurs anglais et américains auraient étudié les arts martiaux chinois et comment ils les auraient incorporés dans les arts martiaux occidentaux, ils sont très vagues.

La Jingwu proposait néanmoins de nombreuses activités d’origine occidentale : échecs, tennis, basketball, gymnastique, athlétisme, etc.

Méthodes

Dans une annexe, Brian Kennedy aborde la question des méthodes de recherche en ce qui concerne l’histoire des arts martiaux chinois. Bien qu’il y ait quelques pionniers tel Tang Hao, une véritable communauté de recherche dans ce domaine n’existe que depuis quelques décennies. Les légendes, les rumeurs, les ouï-dire constituent la majeure partie de ce qui est dit et écrit à propos des arts martiaux chinois. L’auteur, qui a particulièrement étudié cette question, avance que nombre de manuscrits anciens sont des faux. Le nombre de documents fiables et authentifiés concernant l’histoire et le développement des arts martiaux chinois est très réduit.

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