Apocalypse - Présentation de Gilles Deleuze

D.H. Lawrence consacra sa dernière oeuvre à un vaste commentaire de l’Apocalypse. Son livre visionnaire présente une critique radicale du christianisme et de la civilisation occidentale. La modernité de l’Apocalypse est moins dans les catastrophes annoncées que dans « l’instauration démente d’un pouvoir ultime, judiciaire et moral. » Ce testament spirituel de Lawrence constitue pourtant un appel joyeux au réveil de cet esprit païen qui nous incite à demeurer intensément vivants 4ème de couverture.

Extrait pp. 26-28

Lawrence définit le cosmos d’une manière très simple : c’est le lieu des grands symboles vitaux et des connexions vivantes, la vie-plus-que personnelle. Aux connexions cosmiques, les Juifs substitueront l’alliance du Dieu avec le peuple élu ; à la vie supra – ou infra – personnelle, les chrétiens substitueront le petit lien personnel de l’âme avec le Christ ; aux symboles, les Juifs et les chrétiens substitueront l’allégorie. Et ce monde païen, resté vivant malgré tout, continuant à vivre avec puissance au fond de nous, l’Apocalypse le flatte, l’invoque, le fait remonter, mais pour lui faire son affaire, pour l’assassiner vraiment (…)

Quand les païens parlaient du monde, c’était toujours les commencements qui les intéressaient, et les sauts d’un cycle à l’autre ; mais maintenant il n’y a plus qu’une fin, au terme d’un longue ligne plate, et, nécrophiles, nous ne nous intéressons qu’à cette fin, pourvu qu’elle soit définitive. Quand les païens, les présocratiques, parlaient de destruction, ils y voyaient toujours une injustice, venue de l’excès d’un élément sur un autre, et l’injuste, c’était avant tout le destructeur. Mais maintenant, c’est la destruction qu’on appelle juste, c’est la volonté de détruire qui s’appelle Justice et Sainteté (…)

L’Apocalypse, ce n’est pas le camp de concentration (Antéchrist), c’est la grande sécurité militaire, policière et civile de l’État nouveau (Jérusalem céleste). La modernité de l’Apocalypse n’est pas dans les catastrophes annoncées, mais dans l’autoglorification programmée, l’institution de gloire de la Nouvelle Jérusalem, l’instauration démente d’un pouvoir ultime, judiciaire et moral.

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